Des Artistes
La Voix
Interviews
Thomas O'Brien
Interviewé par Inès Tahani, Mathilde Parent et Damien Mouvaux
Les journalistes du BDA se sont rendus à Paris afin de rencontrer, pour vous, l'artiste franco-américain Thomas O'Brien.
Photographe, videomaker et musicien, Thomas nous raconte ses premiers pas dans le monde artistique, ses muses et ses techniques, avec une spontanéité chaleureuse.
Bon visionnage !
Si vous voulez admirer de plus près le travail de Thomas O'Brien, rendez-vous ici :
Nicolas Bruno
Interviewé par Inès T.
Traversez l'Atlantique et venez à la rencontre d'un photographe new-yorkais... Avec ses 82,5K abonnés sur instagram, Nicolas Bruno n'aura plus de secret pour vous.
Cross the Atlantic Ocean and meet a New York photographer... With his 82,5K followers on instagram, Nicolas Bruno will have no more secret for you.
1- Could you introduce yourself in a few words ?
My name is Nicolas Bruno, I am a fine artist based in Northport, New York where I create surreal photographs inspired by my experiences with sleep paralysis. I earned my BFA in Photography from Purchase College, New York in 2015.
2- When did you start photography and which path did you follow ?
I began my first interactions with photography during my childhood, where I would take my mother’s Minolta camera and snap away a roll of film at a time. I do not vividly remember doing this, but my mother has plenty of blurry 4 x 6 prints to prove it. My fascination with art quickly grew after interacting with photoshop in middle school and high school. I started drawing influences from artists of the past, particularly nineteenth century painters and sculptors that challenged the norms of art, such as Géricault and Goya. I’ve found that working like these painters would help me carve a new path of creation in the growing medium of photography.
3- What made you start photography ? What made you fall in love with it ?
Photography became my voice when I had no words to explain what was happening to me in my sleep paralysis experiences. Art continues to be my therapy for these consistent traumas by transforming the sheer terror into thought provoking surreal portraits and self portraits. Once I found this way to communicate my experiences through artwork and symbolism, my world turned around.
Back in the swing of things.
4- What tools do you use ? Why did you start using them ?
I shoot with a Nikon D810 and a 50mm 1.4 lens. I don’t use external lighting or other studio equipment. I work with the bare minimum as a challenge, but also out of habit. I did not have access to large amounts of equipment when I first started, and I plan to keep it simple through out the duration of my career.
5- Have you ever run out of ideas ? How do you face it and solve it ?
I regularly hit roadblocks, but I’ve found that sketching and going for walks with the sole purpose of going over ideas is very helpful, even if your idea doesn’t come directly to you. It can take days or weeks for a single idea to come to fruition. Patience is important for developing a concept that will truly speak volumes.
6- We say of Art that it is a way to express oneself or to express ideas, to carry messages... Do
you use your photography as a means of expression ? If yes, which values are dear to your
heart ? Photography is medium where you are able to combine rational thought with wild imagination in a realistic manner. This growing medium is at the forefront of innovation, and I have been captivated by how limitless one can be with the most simple equipment. I use imagery as a universal language to communicate what was once impossible for me to explain with words.
7- What are your upcoming projects ?
I am currently working on a virtual reality project that will take the viewer inside the depths of a sleep paralysis experience. I am currently securing art grants and will hopefully launch it this year.
8- Which relation do you have with your public ?
I do my best to respond to all messages. I feel that it’s important to engage with your fans and help them learn more about your work. Many of my peers ignore messages and emails; to me this seems like a missed opportunity to inspire someone.
9- Which platform and means do you use to reach a wider audience ?
I use Facebook and Instagram to share my work. To gain a larger audience, I work with large news companies and blogs on features. I started by submitting my work to Tumblr blogs which would help my work and story gain traction.
10- Can you give us the name of some artists you admire ?
Some artists that I enjoy are Rodney Smith, John Atkinson Grimshaw, Caspar David Friedrich, Ralph Meatyard, Goya, Géricault, and Brooke Shaden.
11- If you hadn’t become a photographer, what would you do ?
I would most likely have pursued a career in computer security or marine biology. These were the two academic areas in school that I had interest in, but I couldn’t see myself being anything other than an artist.
Francois Belfort
Interviewé par Astrid C.
Alors que le rideau se ferme sur 2017 et la première édition annuelle de la Biennale Paris, le Syndicat National des Antiquaires prépare l'exposition 2018. Plongez avec nous dans les coulisses d'une telle manifestation, avec les réponses de Francois Belfort, directeur général du SNA et de la Biennale Paris.
En tant que Directeur Général du Syndicat National des Antiquaires, pouvez-vous nous rappeler le lien entre votre syndicat et cet évènement majeur qu'est la Biennale Paris ?
C'est un lien de causalité, le syndicat a été créé au début du XXe siècle et la Biennale en 1956 pour mieux servir les buts de l'association professionnelle qu'est le syndicat. Il défend les antiquaires, en fait la promotion et travaille au rayonnement du métier et de la place de Paris.
La Biennale est à la fois un lieu de business pour faire des affaires mais également une vitrine du rayonnement des antiquaires français.
Quel est le rôle du SNA, de façon plus globale ?
Comme précisé dans les statuts, il s'agit avant tout de la défense et la promotion des métiers d'antiquaire.
Cela comprend :
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une partie de veille réglementaire et législative
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une partie d'influence et de lobbying pour défendre les métiers, leur permettre d'avoir des structures juridiques et réglementaires plus adaptées
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une partie avec des actions sur le rayonnement, la meilleure connaissance des métiers, l'enseignement
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une partie d'activités culturelles avec des conférences qui se déroulent au syndicat tous les mois par exemple et un prix du livre d'art décerné chaque année
Comment décririez-vous cet évènement à quelqu’un de novice vis-à-vis du monde de l’art ?
C'est le lieu de réunion d'une centaine d'exposants antiquaires qui se réunissent au meilleur niveau pour proposer le meilleur de leurs œuvres à un public de collectionneurs, de connaisseurs et d'amateurs nationaux et internationaux.
C'est une sorte de grand musée éphémère qui réunit 5.000 œuvres, un parcours initiatique dans tous les domaines de l'art allant de l'archéologie jusqu'à la peinture après-guerre et celle des années 2000.
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres qui caractérise cette exposition pour que l’on se rende mieux compte de son ampleur ?
94 exposants ont présenté 5.000 œuvres ; nous avons accueilli 33.000 visiteurs, ce chiffre est d'ailleurs en progression de 8% vs 2016. La durée d'ouverture du salon a été de 7 jours en 2017 vs 9 jours lors de l'édition précédente. Nous avons donc réduit la durée et augmenté le visitorat.
Concernant les personnes impliquées dans l'organisation, nous disposons d'une petite équipe permanente de 5-6 personnes au syndicat, nous faisons appel à une demi-douzaine de personnes supplémentaires sur mission (CDD et auto-entrepreneurs) et environ 150 personnes sur le terrain pour les aspects de sécurité, accueil, organisation...
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A qui s’adresse une telle exposition et quel est le public visé ?
On distingue plusieurs publics en fait :
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Les acheteurs, le public à forte valeur ajoutée car sur un salon il faut vendre
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Un public amateur d'art, qui sont des pratiquants habituels des expositions, des personnes qui s'intéressent à l'art et qui souhaitent être au contact d'œuvres nouvelles
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Grand public parisien, nous sommes une des grandes manifestations parisiennes
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Les prescripteurs, les insittutionnels, les conservateurs des musées, la presse qui sont plutôt un public de professionnels
Quel regard portez-vous sur cette dernière édition ? En êtes-vous satisfait ?
Nous sommes très satisfaits de l'édition 2017 : en progression sur le visitorat et les affaires ont bien marché.
Nous avons eu beaucoup de retours positifs de marchands et de galéristes qui ont bien vendu sur place et qui ont également bien vendu dans les 2-3 mois qui ont suivi. En effet, un salon ne se mesure pas seulement aux affaires réalisées in situ mais également dans les quelques semaines et mois suivants. Quand un collectionneur vient voir une œuvre sur un salon, qu'il ne l'achète pas sur place mais qu'il revient voir ensuite l'oeuvre dans une galerie et l'achète, c'est vraiment lié à l'activité du salon lui-même.
Sur la fréquentation, on n'est pas insatisfait puisque l'on est en progression de 8% mais on veut amener la Biennale à un niveau de 50.000 visiteurs environ. On peut dire que l'offre qui est faite par la Biennale qualitativement et quantitativement mérite un visitorat plus fort. On veut viser ce chiffre comme un palier d'entrée pour ce niveau de salon. Pour cela, on se repositionne sur des questions de période et durée d'ouverture, prix des billets, offre cumulative, offre promotionnelle en partenariat avec des supports de presse, communication, visibilité, affichage pour booster la fréquentation
S'il y avait des choses à changer, cela concernerait probablement les dates : sur l'édition 2017, nous avons organisé un dîner de gala traditionnel le samedi soir et un vernissage le dimanche que l'on va repositionner en 2018 respectivement un jeudi soir et un vendredi.
Etait-ce plutôt une édition dans la continuité des précédentes ou en rupture ?
Il y avait une chose très différente, c'était la première fois que la Biennale s'est déroulée sur une année impaire. Jusqu'à présent, la Biennale avait lieu tous les deux ans ; maintenant la Biennale se déroule chaque année, comme son nom ne l'indique pas ! 2017 était la première « Biennale annuelle ».
L'année 2016 avait été un peu particulière car on avait été secoué comme tout le monde par les attentats qui ont eu lieu à Nice à l'été 2016 et qui avaient un peu repoussé une population étrangère, notamment des acheteurs nord-américains
Par ailleurs, il y avait eu tout un scandale de meubles de faux vendus à Versailles, ce qui a été assez difficile en termes de communication, et qui a eu un effet négatif sur le visitorat, la visibilité et l'ambiance générale.
Pourquoi changer la fréquence en la faisant devenir annuelle ?
C'est une décision déjà assez ancienne, datant d'il y a 3 ou 4 ans . Cela a toujours été un sujet pour le Syndicat et la Biennale de déterminer ce qui serait fait les années impaires.
Depuis 1956, la Biennale se déroule les années paires. Pour les années impaires, plusieurs essais ont été faits : un salon du Collectionneur, un salon nommé Paris Beaux-Arts... mais jamais aucune de ces options n'a trouvé quelque chose de stable ni de très fiable.
Il a donc été décidé d'annualiser la Biennale. Cela correspond aussi à l'air de temps ; on se dirige vers les années 2020. Là où ça pouvait avoir du sens de faire un événement qui travaillait l'exception tous les deux ans au milieu du XXe siècle, au lendemain de la guerre, en 2020 n'être présent qu'une année sur deux dessert plutôt l'évènement qu'il ne le sert.
Notamment dans un monde qui va beaucoup plus vite, où l'information est beaucoup plus dense, où les collectionneurs sont submergés d'information
Etre présent un an sur deux, c'est trop éloigné. Le Syndicat a voulu un format plus actuel, plus contemporain tout simplement.
Pourquoi changer le nom de Biennale des Antiquaires en Biennale Paris ?
L'objectif est également de correspondre à une formule plus actuelle pour le nom, en quittant la partie des antiquaires et en accolant la ville de Paris, ciblant ainsi une clientèle internationale.
Quelle est votre ambition pour la marque La Biennale Paris ?
Il s'agit à la fois de confirmer son ancrage patrimonial sur la qualité et l'exception, conforter son rayonnement international et en même temps, projeter la Biennale dans le XXIe siècle en termes de visitorat mais aussi de rayonnement via les réseaux sociaux, le digital etc.
Si vous avez regardé notre site internet, vous avez sûrement vu qu'il nécessitait un peu de travail pour l'actualiser (sourires).
Quels moyens mettez-vous en œuvre pour atteindre cet objectif ? Quelles sont vos principales actions ?
On y travaille et les choses ne sont pas encore déterminées donc je ne peux pas encore vous donner de nom.
Par exemple, vous avez remarqué qu'en 2017, nous avons monté une exposition dédiée à la famille Barbier-Mueller qui sont de grands collectionneurs suisses.
Pour 2018, on travaille à un projet d'exposition très intéressant qui sera dédiée et célèbrera un grand collectionneur.
La Biennale, c'est finalement la « maison du collectionneur », ce passionné qui a les moyens d'acheter et qui peut créer sa collection, acheter des œuvres exceptionnelles, c'est cela que l'on veut célébrer.
Par ailleurs, on a également le projet de confier la scénographie et le décor à un grand créateur, et là encore, je ne peux vous en dire plus pour l'instant.
Un tel événement se prépare. Qui en sont les principaux acteurs ?
La Biennale,c'est une plateforme qui s'adresse à des parties prenantes.
Nous, on est au centre en tant qu'organisateur, on s'adresse d'un côté aux exposants qui viennent à la Biennale pour connecter différents publics, d'un autre côté les différents publics évoqués précédemment. Ils sont tous en étoile autour de la Biennale.
On a également des partenaires prestataires : le Grand Palais qui met à notre disposition la nef du monument, des aménageurs qui construisent des décors, un traiteur qui s'occupe de toute la partie dîner et cocktail d'inauguration.
Quelles sont les étapes clés ?
Il y a une première phase d'orientation stratégique qui est à peu près achevée maintenant, dès que l'on aura la confirmation de l'exposition et de la scénographie.
Puis une phase d'échanges avec les parties prenantes, les exposants notamment, et incluant le recrutement des exposants
Ensuite des échanges avec les partenaires, particulièrement les partenaires financiers, les banques, les constructeurs de voitures, les maisons de champagne... on est également en phase de recrutement sur ces champs-là.
Enfin, on va basculer sur une phase de communication avec tous les publics cités tout à l'heure.
Qui choisit les exposants et sur quels critères ?
Vous savez, la meilleure manière de gagner un client est d'abord de ne pas perdre celui que l'on a. Donc tous les exposants 2017 sont notre cœur de cible puis on visitera les salons concurrents pour rencontrer de nouveaux exposants, leur parler de la Biennale et leur proposer d'y participer.
Ensuite, on a toute une politique de relations exposants qui consiste à tenir un lien le plus serré possible tout au long de l'année, pour les informer sur la Biennale, établir une relation client continue.
Qui recrute ? Traditionnellement, ce sont les élus du syndicat, à commencer par le Président ; moi-même en tant que Directeur Général, depuis mon arrivée en 2017, je m'implique fortement dans ce process.
Par ailleurs, on recrute actuellement une équipe sur le sujet pour couvrir les aspects développement, relation exposants, relation partenaires
Qui choisit ? Pour les exposants, il y a depuis 2016 une commission Biennale qui a été créée. Elle est constituée pour 2/3 de personnalités extérieures au syndicat et 1/3 sont intérieures au syndicat, principalement les membres du bureau. Les autres membres sont soit des grands collectionneurs soit des personnalités des arts.
Elle est présidée par Christopher Forbes, un descendant de la famille Forbes ; il y a par exemple Alain-Dominique Perrin, ancien président de Cartier et collectionneur lui-même, Jacques Garcia, grand décorateur, Jean-Louis Remilleux, producteur de télévision et collectionneur, un directeur de musée américain etc. Ce sont des personnes qui contribuent aux orientations et au choix des exposants ; chacune des galeries qui candidate est soumise à la Commission Biennale.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées ?
Pour 2017, l'équilibre financier était un sujet central ; on a donc piloté la dépense en fonction de la recette et nous sommes parvenus à tenir cet équilibre.
Pour 2018, l'enjeu qui se profile est un sujet de qualité du recrutement. Il s'agit d'aller chercher les meilleurs exposants, les plus qualitatifs. C'est le cœur de notre préoccupation.
Quel est le rôle du Président de la Commission Biennale ?
Il a comme rôle de présider et animer la Commission. C'est à la fois une fonction d'orientation et de filtrage des candidats exposants.
Christopher Forbes est très actif dans son rôle et est particulièrement engagé et déterminé dans le fait de faire rayonner la Biennale à New York. On a ainsi organisé une conférence de presse avec lui en juin dernier qui a permis de toucher un certain nombre de grands collectionneurs et galéristes américains. Il a mobilisé beaucoup de monde au sein du comité d'honneur également pour amplifier le rayonnement de la Biennale.
La commission Biennale délivre un Grand Prix à un ou deux galéristes depuis cette année.
Comment l’évènement est-il financé ?
Le financement est principalement issu de la mise à disposition des stands auprès des exposants ; lorsque ceux-ci participent à l'évènement, ils paient leur contribution proportionnellement à la taille de l'espace qui leur est dédié. Cela correspond à environ 75% des revenus de la Biennale, le reste provient essentiellement de la billeterie.
Aujourd'hui, les partenaires financiers jouent un rôle mineur, on a lancé une politique de partenariat en 2016 seulement et c'est un axe de développement important.
Que recherchent les exposants en participant à cet évènement ?
Ils viennent avant tout pour faire des affaires. Ils investissent des sommes parfois importantes selon le décor qu'ils créent sur leur stand pour rencontrer des collectionneurs et vendre sur le salon. Ils sont également intéressés à gagner en visibilité et en notoriété mais ce n'est jamais
leur unique objectif.
Qu’est-ce qui distingue la Biennale Paris d’autres expositions d’art en Europe ou dans le monde ?
On a un certain nombre de concurrents essentiellement internationaux, car les salons nationaux ne sont souvent pas dans le même registre.
Notre dimension internationale est assez affirmée. On se positionne dans une grande ville alors que d'autres salons ont lieu dans de petites cilles de province à l'étranger. De plus, nous exposons dans un batiment patrimonial unique
Enfin, il y a une dimension de rayonnement et de prestige depuis 50 ans, accompagnée d'une dimension de business forte et reconnue.
Maestro Pehlivanian : l'art du management
Novembre 2017
Après un concert original au Nouveau Siècle lundi 6 novembre auquel l'EDHEC et le BDA ont contribués au staff; nous avons eu l'honneur d'accueillir le Maestro Pehlivanian au sein de l'EDHEC pour une conférence unique, sur son expérience en temps que chef d'orchestre et d'entreprise.
Retour sur ses nombreuses confidences sur le leadership.
Interviewé par Charlotte G.
Samedi 30 octobre, nous avons eu le plaisir d’être conviés à l’inauguration d’une sculpture de Francisco Mazurenko, l’un des artistes que vous avez pu croiser à notre Exposition « Art Is Everywhere » de 2017. Son œuvre, un nid de métal abritant des roches volcaniques et s’élevant vers le ciel, se nomme « Fragment », et est exposée dans le jardin " Myosotis " de l’association « Jardin de Traverse ».
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Nous en avons profité pour discuter un peu avec lui, et en apprendre un peu plus sur son rapport avec l’art et son public.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
En quelques mots, alors… je suis Francisco Mazurenko, 38 ans, ça fait 17 ans que je fais de la sculpture. J’ai commencé par faire des sculptures en fils de fer et étain, inspiré des œuvres de Giacometti qui est un artiste, euh… je n’ai pas besoin de dire, on connaît son nom et son œuvre, qui est assez filiforme en fait. J’ai commencé la sculpture avec des formes assez volumineuses, des choses massives… et ça me frustrait, je voulais faire des choses fines. Et lui, c’est l’artiste qui a fait les choses en finesse, qui m’a donné confiance en moi. Je me disais « tiens, s’il le fait, pourquoi pas moi ? ». Je commençais à m’inspirer vraiment de ses œuvres, et petit à petit j’ai développé mon propre langage. Aujourd’hui je fais des choses complètement différentes. Mais longtemps j’ai fait des œuvres en fils de fer et étain, je le fais encore, et aujourd’hui j’essaie de mettre mes sculptures en extérieur, en espaces publiques, pour plus de partage, comme un musée à ciel ouvert.
Donc cet artiste, Giacometti, a été le déclic qui vous a donné envie de faire de l’art, de faire de la sculpture ?
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Oui. En fait j’ai commencé par le bois et la pierre, la terre, et ça me frustrait car je n’arrivais pas à faire des choses suffisamment fines. Finalement, le métal me permettait vraiment de travailler en finesse, et en mouvement aussi. Comme une danse, le métal marque les gestes directement, spontanément et c’est important en fait, de laisser place à l’intuition.
Francisco Mazurenko
Quelles sont vos sources d’inspiration, autres que Giacometti ?
La nature ! Tous mes questionnements, les œuvres que je fais et celles que, à mon sens, devraient ou font certains artistes, viennent d’une admiration, d’une contemplation, et d’une interrogation. De choses qui nous interpellent, on se dit « tiens, moi j’ai vu les choses comme ça. Je vais les partager ». Comment les partager ? Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je raconte, et surtout comment je le raconte ? Et où on en est une fois que ça s’est posé. En fait les maîtres mots de mon œuvre ce serait l’équilibre, une certaine fragilité, et la finesse. Aussi, mes œuvres sont assez philosophiques, poétiques et un peu surréalistes. Ma volonté est d’amener vers le rêve, un monde poétique, voir les choses sous un autre angle, avec une philosophie bienveillante.
Après, moi je donne une amorce, un début, et chacun compose sa propre histoire avec leur vécu et leur ressenti. Je n’ai pas envie que les gens voient mes œuvres, mais qu’ils les ressentent surtout. J’ai envie de les toucher dans ce qu’ils ont d’humain en eux, et dans leur côté enfant aussi. J’appelle aussi l’enfant qu’il y a en chacun de nous. Ce côté contemplatif, admiratif, curieux, toujours en questionnement, en quête de quelque chose.
L’art est souvent un moyen de s’exprimer, de faire passer un message. Quel est le votre ?
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Il y a un hymne à la nature. La nature, c’est un terme très générique : j’entends tout ce qui nous entoure, tous les phénomènes naturels… on ne va pas partir sur des théories du beau et de l’esthétique mais, comment dire, dans la nature, tout est beau. Dans ce que font les hommes, c’est esthétique ou pas. Que les hommes fassent du beau, c’est une autre histoire. Ça peut être les femmes quand elles mettent un enfant au monde, mais voilà c’est aussi une autre histoire, c’est de la biologie. Donc, mon message, ce serait un hymne à la nature, et interroger l’individu sur comment il vit avec elle, comment il compose avec elle ; c’est-à-dire d’où on vient, qu’est-ce qu’on fait là, et où on va. Comment on compose ensemble, comment on pense les choses, comment on vit les choses, comment on les ressent, et comment à connaître tout ça, on continue notre chemin vers quoi, vers où.
Il y a beaucoup de ça, des questionnements sur l’équilibre, sur l’esthétique, sur la brutalité… il y a beaucoup de rencontres dans mes sculptures, des rencontres entre des matériaux bruts de construction et des matériaux naturels glanés dans la nature (du bois, des pierre) qui composent ensemble, mais ne s’imposent pas. Et finalement cette rencontre manifeste cet équilibre, cette harmonie.
Quels sont vos prochains projets ?
J’ai plusieurs axes de recherches en ce moment. Il y a à la fois le mouvement dans le corps, le corps matière que je vois parfois comme un paysage ou que j’assimile à la pierre, mais aussi à des choses en mouvement. Je m’intéresse beaucoup au mouvement notamment dans la danse contemporaine et le hip hop. Je prévois une forme performée, comment dire… une installation de sculpture avec une performance de danseurs, hip hop et contemporain, autour de la forme, du mouvement et du non mouvement, en fait. C’est le mouvement dans l’immobilité et de l’immobilité dans le mouvement, la force d’inertie.
Un autre axe de recherche c’est les corps célestes. C’est-à-dire tout ce qui est astral, les comètes, étoiles filantes, les astres, pourquoi et comment ils sont formés, qu’est-ce qu’ils nous racontent, et quelle influence ils ont eu, ou ils auront sur notre vie. Toujours ce lien entre nous, et ce qui nous entoure. Comment on vit avec ce, et ceux, qui nous entoure. La forme globale et le vivant, la nature et l’homme.
Quel relation avez-vous avec votre public ?
Je pense, et j’espère, être quelqu’un de simple et d’abordable…on a des relations humaines, simples... Je ne veux pas être dans la séduction, je veux pas faire des choses mignonnes, jolies, pour faire plaisir aux gens. J’ai envie évidement que ce soit esthétique, que ça leur plaise, mais surtout comme je disais, qu’ils ressentent. Le public, ma relation avec lui c’est une relation de partage comme avec toi, comme avec d’autres. En fait, la sculpture est presqu’un prétexte à échanger, à avoir un échange humain et même au-delà de l’humain, avoir des discussions métaphysiques, philosophiques, poétiques… ramenées finalement à ça, un regard poétique sur la vie, sur les choses, sur les êtres.
Le rapport que j’entretien j’espère qu’il est bon, qu’il est sein, et que mes pièces les font réfléchir, qu’elles les touchent, qu’elles les renvoient à quelque chose de bon en eux… ou de pas bon, d’ailleurs ! (rires) mais que ça ne laisse pas indifférent. Le tout c’est de toucher.
Si vous n’étiez pas artiste, que feriez-vous ?
Jardinier ! Pour l’humilité, et la composition avec la nature. En fait, jardiner c’est une de mes activités, je trouve que le lien avec la terre est essentiel, vital. Ayant grandi dans un jardin et ayant eu la chance d’apprendre par le jardin, à travers le jardin, je trouve que c’est la plus belle école. C’est là où tu te sens bien, tu te sens en accord avec toi-même et avec ce qui t’entoure. Il y a des choses magnifiques, il faut essayer de les voir, il faut essayer de les regarder.
Vous est-il déjà arrivé de manquer d’inspiration ? Comme le syndrome de la page blanche pour un écrivain.
Hum…ça peut arriver… Ce n’est pas tellement le manque d’inspiration mais autre chose : il y a des fois où on s’interroge, on a envie de dire quelque chose, mais comment le dire ? Est-ce que ce qu’on va dire va être entendu comme on l’a voulu ? Bien souvent, une partie est entendue et une partie échappe, et souvent des choses que le public ressent ou voit sont des choses qu’on a mis malgré nous, inconsciemment. De ce fait, puisqu’on parlait tout à l’heure du rapport avec le public, c’est aussi un miroir. On est un peu comme des arbres, des antennes, on reçoit et on transmet. Ce n’est pas que je ne crois pas au manque d’inspiration, mais il y a des recherches et il y a des moments où on ne sait pas comment faire les choses pour qu’elles soient ressenties telle que nous les ressentons. Pour les partager au mieux, peut-être que parfois on se prend trop la tête en tant qu’artiste, on se pose trop de questions et on se met des barrières tous seuls.
Mais en fait il n’y a pas vraiment de page blanche, il y a toujours à dire, toujours du ressenti. Il faut éviter de se poser toutes ces questions, il fait juste faire. De manière spontanée. Il faut explorer la matière, l’écouter, faire corps avec la matière, comme je le dis souvent. C’est important, les matières elles nous racontent des choses : une pierre glanée dans la nature, les matériaux même aussi pauvres, aussi bruts qu’un fer, un bâton… il y a moyen de le poétiser. Transformer la matière en art, je pense il y a dans l’art une sorte de magie.